Pratique de la magie blanche : frontière éthique/commerce ?


Depuis la nuit des temps, l’esprit humain interroge la magie, sachant intuitivement qu’il ne parviendra pas, seul, à déjouer les pièges de l’existence. Cet « ensemble de croyances et de pratiques reposant sur l’idée qu’il existe des puissances cachées dans la nature, qu’il s’agit de se concilier ou de conjurer, pour s’attirer un bien ou susciter un malheur, visant ainsi à une efficacité matérielle », selon la définition du Larousse, trouve son plein épanouissement dans la « magie blanche », orientée vers les forces du bien.

La magie, objet de plus en plus commercial ?

​De nos jours, si une réelle désinhibition des comportements se manifeste dans ce domaine comme dans tant d’autres, tels que celui de la sexualité par exemple, on peut légitimement s’inquiéter de la frontière entre l’éthique et certaines pratiques commerciales, entre le respect de rites ancestraux couplés à un savoir immémorial et la montée en puissance d’un consumérisme addictif, à visée exclusivement mercantile.

​Notre époque répugne à la hiérarchie ou plutôt érige en dogme les lois du marché : tout se consomme, tout est bon à prendre puis à jeter, et, à une vitesse qui s’accélère, il faut user de nouveaux produits, utiliser de nouveaux concepts, jusqu’à se métamorphoser, devenir un autre, un meilleur soi-même. L’ésotérisme n’échappe pas à ce diktat sociétal et, dans le grand supermarché mondial constitué par Internet, relayé par les media de toutes sortes, il devient une marchandise comme une autre, avec un référencement propre, des marques qui le promeuvent, des catégories d’adeptes, clients d’un moment qui le délaisseront l’instant d’après, lors du lancement d’une prochaine mode. Le marketing fait son office, brouillant les repères, assimilant objets mystiques, rituels et guides en kit. Acheter résout l’affaire, voilà qu’on s’improvise magicien, par la simple vertu et la possession de gadgets savamment mis en scène !

​La confusion s’installe, comment s’y retrouver, distinguer le bon grain de l’ivraie ?

Vocation, éthique et savoirs : des qualités indissociables de la magie blanche

Opposée à la magie noire dans la conscience publique, la magie blanche reste méconnue. C’est d’elle que découlent pourtant la noire, son opposé (qui ne peut se concevoir si la première n’est pas intégralement maîtrisée) et la rouge, qui n’en représente qu’une partie, une sorte de magie blanche dédiée, en fait. Cette sorcellerie blanche n’est autre que le pouvoir de ceux et celles qui, de temps immémorial, ont reçu la vocation de guider et d’aider les autres. La pratique de la magie positive suppose de pouvoir centraliser les forces naturelles au profit du bien, dans l’unique but d’aider ceux qui ne parviennent pas ou plus à se défendre, de rétablir à leur profit justice et équité.

​N’est pas sorcier qui veut : des qualités morales, éthiques, sont indissociables de la fonction de magicien. Dans les sociétés les plus anciennes, le rôle du sorcier est celui d’un sage, d’un philosophe, d’un médecin. Son savoir, ses connaissances ne se distinguent pas de la science : astronomie, connaissance de la nature, des animaux, des hommes et des plantes. L’image du druide a traversé le temps mais dans toutes les civilisations, dans l’Égypte ancienne comme dans les sociétés tribales de tous les continents, aujourd’hui encore dans nos sociétés dites évoluées, subsiste la figure du « bon sorcier », celui auquel on a recours lorsque plus rien ne marche. En effet, la magie bénéfique suppose la rencontre d’une vocation et d’une somme de savoirs, organisés et transmis par des livres, des rituels, des normes pieusement rassemblés et conservés, dont le « magicien » ne sera que le dépositaire et l’artisan, un temps donné. Aussi, à l’encontre des courants de la pensée matérialiste qui irriguent notre vie commune, c’est la vie spirituelle qui préside dans ce domaine, les qualités morales et intellectuelles affirmées.

​Ceux qui en possèdent le don chercheront dès l’enfance le chemin à parcourir : il y a des métiers que l’on n’exerce pas sans vocation : prêtres ou médecins. Aider les autres en respectant toute leur autonomie, leur liberté, répondre à leurs attentes en veillant à appliquer ce précepte que l’on délivre aux jeunes étudiants en médecine « primum non nocere » « et d’abord, ne pas nuire » est bien la vocation du mage moderne ! Sans conteste, le détenteur des pouvoirs de magie blanche ne saurait différer, dans l’exercice de ses responsabilités et de son magistère, de ceux qui guérissent le corps et l’âme.